Revue de la littératurePromontofixation : quelles prothèses choisir ? Étude expérimentale et cliniqueWhich prostheses to use in mesh sacrocolpopexy? Experimental and clinical study
Introduction
Il existe deux conceptions de la chirurgie reconstructrice du plancher pelvien : la voie abdominale qui fait nécessairement intervenir des matériaux prothétiques et la voie vaginale. L’evidence based medicine nous apprend que pour les prolapsus de l’utérus ou du fond vaginal, la voie abdominale avec la sacrocolpopexie est meilleure que la voie vaginale, elle-même représentée par sa technique de référence qu’est la sacrospinofixation selon Richter, tant en termes de taux de récidive (RR = 0,23, IC 95 : 0,07 à 0,77) que de taux de dyspareunie (RR = 0,39, IC 95 : 0,18 à 0,86), bien que la tendance à un taux inférieur de réintervention pour prolapsus après sacrocolpopexie ne soit pas statistiquement significative (RR = 0,46, IC 95 : 0,19 à 1,11) [1]. Pour autant, la sacrospinofixation est plus rapide, moins coûteuse à réaliser et les femmes opérées ont une période de convalescence plus brève. Cette dernière affirmation n’est plus exacte lorsque la promontofixation est réalisée par voie laparoscopique [2], ce qui est l’option retenue depuis quelques années dans la très grande majorité des cas en France. Ainsi dans notre pays en 2012, selon les données du PMSI, 11 820 promontofixations de l’utérus ou du fond vaginal ont été réalisées par cœlioscopie (88 % des cas) contre 1641 par laparotomie avec ou sans cervicocystopexie associée (12 % des cas) [3]. Par ailleurs, les études contrôlées randomisées ont montré un bénéfice à la cœlioscopie tant pour les pertes sanguines, que pour la douleur, avec peut-être même de meilleures performances de la cœlioscopie par rapport à la laparotomie pour les résultats anatomiques [4]. Des durées opératoires longues ont un temps été reprochées à la cœlioscopie. Cela pouvait être vrai lors de la phase d’acquisition de la technique par les différentes équipes ; cela ne l’est plus actuellement [5].
Au-delà des différentes modifications constatées autour de la technique laparoscopique de la sacrocolpopexie, qui donnent actuellement lieu à un certain nombre de controverses (moyens de fixation des prothèses, faut-il toujours mettre en place une prothèse postérieure, comment poser cette prothèse postérieure), se pose également la question de la nature des matériaux prothétiques utilisés.
Les principales familles de matériaux actuellement utilisées sont le polypropylène et le polyéthylène téréphtalate (PET). Il s’agit de produits issus de l’industrie pétrochimique correspondant à la polymérisation de monomères de propène ou propylène pour le polypropylène et de monomères d’acide téréphtalique et d’éthylène glycol pour le PET. Le polypropylène correspond à un assemblage de molécules de faible poids moléculaire -[CH2-CH-CH3]n, contrairement au PET qui correspond à un assemblage de molécules plus lourdes -[O-(CH2)2-O-CO-pPh-CO]n, ce qui lui confère une stabilité structurelle plus importante. Le PET maintenant communément appelé polyester du fait de la présence d’une fonction ester -O-R’ au sein de ses monomères, possède également un groupement éthylène -(CH2)2, ce qui lui procure des propriétés hydrophiles.
Historiquement, le PET a été développé en 1953 sous le nom de Polyester au Royaume-Uni, Tergal en France et Dacron aux États-Unis. Le polypropylène est lui apparu en 1954, suite aux travaux de Ziegler et de Natta ; les firmes américaine Dupont de Nemours et italienne Montecatini en ayant obtenu initialement l’exclusivité. C’est en toute logique que les prothèses des premières promontofixations par laparotomie aient été exclusivement constituées de PET (Tergal®, puis Mersilène®, Mersuture®), puisque l’on doit la description princeps de la technique à Jacques Huguier en 1957 puis sa standardisation dans les années qui ont suivi à Pierre Scali et l’école de Broca [6], [7].
Sous l’influence américaine qui a toujours privilégié le polypropylène mais également sous celle plus récente de la chirurgie prothétique par voie vaginale, depuis quelques années, les treillis en polypropylène concurrencent sérieusement ceux en polyester dans la promontofixation et dans certains pays, les ont totalement remplacés. Pour faciliter la procédure cœlioscopique, des prothèses ajourées, prédécoupées et avec mémoire de forme sont maintenant largement diffusées. Des aprioris concernant la tolérance des prothèses conduisent à diminuer leur grammage pour les rendre de plus en plus légères [8]. Pour autant, les conséquences sur la solidité du montage n’ont pas été précisément évaluées.
Si bien qu’aujourd’hui le choix des matériaux prothétiques pour réaliser une promontofixation est devenu quelque chose de complexe.
L’objectif de notre propos est de rappeler les caractéristiques biologiques et mécaniques des principaux types de prothèses utilisés pour réaliser une promontofixation avec comme corolaire les applications cliniques qui peuvent en découler. Au final, il s’agira d’orienter au mieux le choix du chirurgien sur les prothèses qui apparaissent les plus appropriées dans la promontofixation afin d’obtenir une qualité de réparation optimale et des complications limitées.
Section snippets
Biocompatibilité des prothèses non résorbables
On dit d’un biomatériau qu’il est biocompatible lorsqu’il est capable de remplir sa fonction sans effet indésirable sur l’environnement biologique dans lequel il est appelé à fonctionner. Les facteurs qui influencent cette biocompatibilité sont de deux ordres. Il y a, d’une part, des facteurs intrinsèques propres à l’implant à savoir : la nature chimique du matériau constitutif, ses propriétés de surface (chimie de surface, mouillabilité ou énergie de surface, rugosité), sa porosité utile
Prothèses résorbables
Afin de minimiser les risques d’exposition prothétique, certaines équipes se sont orientées vers l’utilisation de matériaux synthétiques ou biologiques d’origine allogénique ou xénogénique résorbables. Pensant que la qualité mécanique de la réparation tissulaire était essentiellement due à la fibrose résiduelle qui colonise la prothèse, ces équipes s’imaginaient qu’une fois la prothèse résorbée, la solidité de la réparation se perpétuerait. Nous savons maintenant qu’il n’en est rien [22].
Les
Résistance prothétique à la rupture
La solidité d’une prothèse dépend de la nature chimique du fil élémentaire qui la constitue, du mode d’assemblage des fils en fibres de mono ou de multifilaments (un monofilament est moins résistant à diamètre égal qu’un multifilament) et du poids ou grammage de la prothèse qui dépend lui-même du diamètre des fibres et de leur nombre.
Dans l’idéal, la solidité d’une prothèse doit lui permettre de s’opposer aux forces produites par la poussée abdomino-pelvienne dont les valeurs maximales se
Rétraction, déformation, élasticité prothétique
Les études expérimentales sur l’animal nous apprennent que la fréquence et l’intensité des rétractions prothétiques sont sans commune mesure entre polypropylène et polyester à mailles larges (Fig. 4) [22]. La rétraction du polypropylène est liée à sa nature chimique faite d’un assemblage de monomères de faible poids moléculaire. La survenue de cette rétraction et son intensité sont imprévisibles avant implantation. La rétraction est très faible pour le polyester qui est un polymère constitué de
Conclusion
Les données expérimentales établies chez l’animal alimentent la réflexion sur le choix des prothèses à utiliser dans les promontofixations. Pour autant, ces mêmes données restent à confirmer en clinique humaine et à grande échelle même s’il est vrai que dès à présent certaines séries publiées les accréditent.
Les prothèses en polyester multifilament, lourdes, à maillage large de plus de 1 mm apparaissent les plus adaptées à la sacrocolpopexie avec conservation utérine ou avec une hystérectomie
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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2015, Progresos de Obstetricia y Ginecologia