Revue de la littérature
Promontofixation : quelles prothèses choisir ? Étude expérimentale et cliniqueWhich prostheses to use in mesh sacrocolpopexy? Experimental and clinical study

https://doi.org/10.1016/j.gyobfe.2014.05.010Get rights and content

Résumé

Contexte

La promontofixation est le traitement chirurgical de référence du prolapsus génital de l’étage moyen avec une voie d’abord laparoscopique qui a progressivement remplacé la laparotomie pour des résultats anatomiques identiques. Concernant la promontofixation, il reste à ce jour des points de détail de la technique qui varient selon les équipes chirurgicales entretenant la controverse. Parmi ceux-ci, le choix du matériel prothétique retenu fait effectivement débat.

Objectifs

Énoncer les principes physico-chimiques élémentaires qui s’imposent aux chirurgiens lors du choix de prothèses de promontofixation afin de garantir aux patientes des résultats anatomiques et fonctionnels satisfaisants.

Matériel et méthodes

Les notions de biocompatibilité, résistance, rétraction, déformation et élasticité prothétiques sont abordées. Elles sont illustrées par des références expérimentales chez l’animal et des références en clinique humaine.

Résultats

Les prothèses en polypropylène et polyester macroporeuses (taille des pores > 1 mm) sont bien intégrées. L’enduction prothétique par du collagène améliore l’intégration tissulaire. Les prothèses résorbables et non résorbables ultra-légères exposent les patientes à un risque élevé de récidive. Les prothèses en polyester multifilament à mailles larges se rétractent moins et sont plus souples que les prothèses en polypropylène monofilament.

Discussion et conclusion

Le seuil du grammage prothétique en dessous du quel une prothèse n’offre plus de garantie de solidité n’est pas précisément connu. De plus, l’intérêt d’une diminution du grammage n’est pas démontré. Actuellement, les prothèses en polyester multifilament, lourdes, à maillage large de plus de 1 mm apparaissent les plus adaptées à la sacrocolpopexie promontorienne sans ouverture vaginale.

Abstract

Background

Sacrocolpopexy is the standard surgical treatment of genital prolapse of the upper vaginal wall. Nowadays, the laparotomy approach is progressively supplanted by the laparoscopic procedure for the same anatomical results. About sacrocolpopexy, to date it still remains details of the technique, which differ with surgical teams maintaining controversy. Among them, the choice of the meshes certainly creates debate.

Objectives

To state the basic physicochemical principles which are necessary for surgeons to select the most suitable prosthetic material to obtain the most beneficial anatomic and functional outcomes for patients.

Material and methods

The concepts of prosthetic biocompatibility, strength, shrinkage, deformation and elasticity are discussed. They are illustrated by experimental animal references and also human clinical references.

Results

Macroporous polypropylene and polyester prostheses (pore size > 1 mm) are properly integrated. Collagen prosthetic coating improves tissue integration. Absorbable and nonabsorbable ultralight prostheses expose patients to a high risk of recurrence. Multifilament polyester wide pore-side prostheses have less retraction and are more flexible than monofilament polypropylene prostheses.

Discussion and conclusion

The prosthetic cut-off weight below which the mesh does not offer any guarantee of strength is not precisely known. Moreover, the benefit of weight reduction is not proved. Currently, heavy weight multifilament polyester prostheses with wide pore size, more than 1 mm, appear to be the most appropriate meshes for sacrocolpopexy without vaginal incision.

Introduction

Il existe deux conceptions de la chirurgie reconstructrice du plancher pelvien : la voie abdominale qui fait nécessairement intervenir des matériaux prothétiques et la voie vaginale. L’evidence based medicine nous apprend que pour les prolapsus de l’utérus ou du fond vaginal, la voie abdominale avec la sacrocolpopexie est meilleure que la voie vaginale, elle-même représentée par sa technique de référence qu’est la sacrospinofixation selon Richter, tant en termes de taux de récidive (RR = 0,23, IC 95 : 0,07 à 0,77) que de taux de dyspareunie (RR = 0,39, IC 95 : 0,18 à 0,86), bien que la tendance à un taux inférieur de réintervention pour prolapsus après sacrocolpopexie ne soit pas statistiquement significative (RR = 0,46, IC 95 : 0,19 à 1,11) [1]. Pour autant, la sacrospinofixation est plus rapide, moins coûteuse à réaliser et les femmes opérées ont une période de convalescence plus brève. Cette dernière affirmation n’est plus exacte lorsque la promontofixation est réalisée par voie laparoscopique [2], ce qui est l’option retenue depuis quelques années dans la très grande majorité des cas en France. Ainsi dans notre pays en 2012, selon les données du PMSI, 11 820 promontofixations de l’utérus ou du fond vaginal ont été réalisées par cœlioscopie (88 % des cas) contre 1641 par laparotomie avec ou sans cervicocystopexie associée (12 % des cas) [3]. Par ailleurs, les études contrôlées randomisées ont montré un bénéfice à la cœlioscopie tant pour les pertes sanguines, que pour la douleur, avec peut-être même de meilleures performances de la cœlioscopie par rapport à la laparotomie pour les résultats anatomiques [4]. Des durées opératoires longues ont un temps été reprochées à la cœlioscopie. Cela pouvait être vrai lors de la phase d’acquisition de la technique par les différentes équipes ; cela ne l’est plus actuellement [5].

Au-delà des différentes modifications constatées autour de la technique laparoscopique de la sacrocolpopexie, qui donnent actuellement lieu à un certain nombre de controverses (moyens de fixation des prothèses, faut-il toujours mettre en place une prothèse postérieure, comment poser cette prothèse postérieure), se pose également la question de la nature des matériaux prothétiques utilisés.

Les principales familles de matériaux actuellement utilisées sont le polypropylène et le polyéthylène téréphtalate (PET). Il s’agit de produits issus de l’industrie pétrochimique correspondant à la polymérisation de monomères de propène ou propylène pour le polypropylène et de monomères d’acide téréphtalique et d’éthylène glycol pour le PET. Le polypropylène correspond à un assemblage de molécules de faible poids moléculaire -[CH2-CH-CH3]n, contrairement au PET qui correspond à un assemblage de molécules plus lourdes -[O-(CH2)2-O-CO-pPh-CO]n, ce qui lui confère une stabilité structurelle plus importante. Le PET maintenant communément appelé polyester du fait de la présence d’une fonction ester -O-R’ au sein de ses monomères, possède également un groupement éthylène -(CH2)2, ce qui lui procure des propriétés hydrophiles.

Historiquement, le PET a été développé en 1953 sous le nom de Polyester au Royaume-Uni, Tergal en France et Dacron aux États-Unis. Le polypropylène est lui apparu en 1954, suite aux travaux de Ziegler et de Natta ; les firmes américaine Dupont de Nemours et italienne Montecatini en ayant obtenu initialement l’exclusivité. C’est en toute logique que les prothèses des premières promontofixations par laparotomie aient été exclusivement constituées de PET (Tergal®, puis Mersilène®, Mersuture®), puisque l’on doit la description princeps de la technique à Jacques Huguier en 1957 puis sa standardisation dans les années qui ont suivi à Pierre Scali et l’école de Broca [6], [7].

Sous l’influence américaine qui a toujours privilégié le polypropylène mais également sous celle plus récente de la chirurgie prothétique par voie vaginale, depuis quelques années, les treillis en polypropylène concurrencent sérieusement ceux en polyester dans la promontofixation et dans certains pays, les ont totalement remplacés. Pour faciliter la procédure cœlioscopique, des prothèses ajourées, prédécoupées et avec mémoire de forme sont maintenant largement diffusées. Des aprioris concernant la tolérance des prothèses conduisent à diminuer leur grammage pour les rendre de plus en plus légères [8]. Pour autant, les conséquences sur la solidité du montage n’ont pas été précisément évaluées.

Si bien qu’aujourd’hui le choix des matériaux prothétiques pour réaliser une promontofixation est devenu quelque chose de complexe.

L’objectif de notre propos est de rappeler les caractéristiques biologiques et mécaniques des principaux types de prothèses utilisés pour réaliser une promontofixation avec comme corolaire les applications cliniques qui peuvent en découler. Au final, il s’agira d’orienter au mieux le choix du chirurgien sur les prothèses qui apparaissent les plus appropriées dans la promontofixation afin d’obtenir une qualité de réparation optimale et des complications limitées.

Section snippets

Biocompatibilité des prothèses non résorbables

On dit d’un biomatériau qu’il est biocompatible lorsqu’il est capable de remplir sa fonction sans effet indésirable sur l’environnement biologique dans lequel il est appelé à fonctionner. Les facteurs qui influencent cette biocompatibilité sont de deux ordres. Il y a, d’une part, des facteurs intrinsèques propres à l’implant à savoir : la nature chimique du matériau constitutif, ses propriétés de surface (chimie de surface, mouillabilité ou énergie de surface, rugosité), sa porosité utile

Prothèses résorbables

Afin de minimiser les risques d’exposition prothétique, certaines équipes se sont orientées vers l’utilisation de matériaux synthétiques ou biologiques d’origine allogénique ou xénogénique résorbables. Pensant que la qualité mécanique de la réparation tissulaire était essentiellement due à la fibrose résiduelle qui colonise la prothèse, ces équipes s’imaginaient qu’une fois la prothèse résorbée, la solidité de la réparation se perpétuerait. Nous savons maintenant qu’il n’en est rien [22].

Les

Résistance prothétique à la rupture

La solidité d’une prothèse dépend de la nature chimique du fil élémentaire qui la constitue, du mode d’assemblage des fils en fibres de mono ou de multifilaments (un monofilament est moins résistant à diamètre égal qu’un multifilament) et du poids ou grammage de la prothèse qui dépend lui-même du diamètre des fibres et de leur nombre.

Dans l’idéal, la solidité d’une prothèse doit lui permettre de s’opposer aux forces produites par la poussée abdomino-pelvienne dont les valeurs maximales se

Rétraction, déformation, élasticité prothétique

Les études expérimentales sur l’animal nous apprennent que la fréquence et l’intensité des rétractions prothétiques sont sans commune mesure entre polypropylène et polyester à mailles larges (Fig. 4) [22]. La rétraction du polypropylène est liée à sa nature chimique faite d’un assemblage de monomères de faible poids moléculaire. La survenue de cette rétraction et son intensité sont imprévisibles avant implantation. La rétraction est très faible pour le polyester qui est un polymère constitué de

Conclusion

Les données expérimentales établies chez l’animal alimentent la réflexion sur le choix des prothèses à utiliser dans les promontofixations. Pour autant, ces mêmes données restent à confirmer en clinique humaine et à grande échelle même s’il est vrai que dès à présent certaines séries publiées les accréditent.

Les prothèses en polyester multifilament, lourdes, à maillage large de plus de 1 mm apparaissent les plus adaptées à la sacrocolpopexie avec conservation utérine ou avec une hystérectomie

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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