Article original
Séquelles esthétiques du traitement conservateur des cancers du sein : une classification pour les reconstructions après tumorectomiePartial reconstruction after conservative treatment for breast cancer: classification of sequelae and treatment options

https://doi.org/10.1016/j.anplas.2008.01.001Get rights and content

Résumé

En cas de cancer du sein, 60 à 75 % des patientes ont un traitement conservateur. Celui-ci peut laisser des séquelles esthétiques qui amènent la patiente à demander une reconstruction du sein traité. Ces demandes de reconstruction partielle sont de plus en plus fréquentes et constituent un problème difficile pour le chirurgien plasticien. Nous avons défini et publié une classification des séquelles esthétiques du traitement conservateur (SETC). Cette classification en trois types permet de décrire ces séquelles variées et parfois complexes, mais surtout de guider leur traitement. Nos publications initiales portaient sur 35, puis 85 patientes : nous avons actuellement opéré plus de 150 patientes pour SETC.

Les séquelles de type 1 sont définies par une asymétrie mammaire iatrogène, sans déformation. Les séquelles sont de type 2 s’il existe une déformation évidente du sein traité accessible à une reconstruction partielle du sein et de type 3 si cette déformation est telle que seule une mastectomie avec reconstruction totale est envisageable. La majorité des consultations porte sur des séquelles de type 2, mais certaines patientes sont réticentes à une chirurgie jugée trop lourde. Dans une série prospective de 85 patientes opérées pour SETC, les séquelles étaient de type 1 chez 48 patientes (56,5 %), de type 2 chez 33 (38,8 %) et de type 3 chez quatre (4,7 %).

Les SETC de type 1 sont traitées essentiellement par plastie mammaire controlatérale, pour corriger l’asymétrie. Il faut limiter la chirurgie du côté irradié : une mise en place de prothèse ou une plastie mammaire sont à haut risque de complication après radiothérapie. Les SETC de type 2 sont les plus difficiles à traiter et font intervenir toutes les techniques de chirurgie plastique du sein. Le recours à un lambeau musculocutané (LMC) est souvent nécessaire. Le lipofiling semble une voie de recherche prometteuse dans certains déficits localisés. Toutefois, le développement doit se faire en amont, en développant les techniques de chirurgie oncoplastique lors du temps initial d’exérèse tumorale. Les SETC de type 3 sont rares et nécessitent une mastectomie avec reconstruction immédiate par LMC.

Nous confirmons la validité de la classification des SETC : il s’agit d’un guide simple et pratique pour les chirurgiens prenant en charge ces patientes.

Summary

Most patients presenting with breast cancer are treated by breast conserving treatment (BCT). Some of these patients present with poor cosmetic results and ask for partial breast reconstruction. These reconstructions following BCT are presenting more frequently to plastic surgeons as a difficult management problem. We have defined and published a classification of the different cosmetic sequelae (CS) after BCT into three types. This classification helps to analyse these complex deformities aggravated by radiotherapy. Furthermore, our classification helps to choose between the different surgical techniques and propose the optimal option for their surgical correction. Our initial publications reported 35 and 85 patients: we have currently operated more than 150 cases of CS after BCT.

Type-1 CS are defined by an asymmetry between the two breasts, with no distortion or deformity of the radiated breast. Type-2 CS are those with an obvious breast deformity, that can be corrected with a partial reconstruction of the breast. Type-3 CS are those with such a deformity that only a mastectomy with total reconstruction of the breast can be performed. Most of the patients present with type-2 CS, but are reluctant to undergo what they feel is a major reconstructive procedure: in a initial prospective series of 85 patients operated for CS after BCT, 48 (56.5%) had type-1 CS, 33 patients (38.8%) type-2 CS and four patients (4.7%) type-3 CS.

Type-1 patients should be managed essentially by contralateral symmetrizing procedures. One should limit any surgery on the radiated breast, as a mammoplasty or an augmentation is at high risk of complications. Type-2 is the most difficult to manage and requires all the surgical armamentarium of breast reconstructive surgery. The insetting of a myocutaneous flap is often necessary and autologous fat grafting is a promising tool in selected cases. Type-3 CS requires mastectomy and immediate reconstruction with a myocutaneous flap. The major development though in the past 10 years has been the development of oncoplastic techniques at the time of the original tumour removal, in order to avoid most of type 2 and type 3 deformities.

This paper reaffirms the validity of the Cosmetic Sequelae classification as a simple, practical guide for breast reconstructive surgeons. It discusses the various choices of reconstructive procedures available, the importance of “preventing” these CS and defining the role of the plastic surgeon in the management of these patients.

Introduction

Le traitement conservateur (TC) est progressivement devenu le traitement de référence des cancers du sein : il est aujourd’hui proposé à la grande majorité des patientes, soit d’emblée, soit, lorsque le volume tumoral ne permet pas initialement une chirurgie conservatrice, après un traitement préopératoire par chimiothérapie ou hormonothérapie. Il est aujourd’hui démontré que le TC donne, à 20 ans, une survie globale identique à celle obtenue par mastectomie, au moins pour les tumeurs comprises entre 0 et 5 cm de diamètre [1], [2], [3]. Le principal avantage du TC est de conserver un sein le plus naturel possible, en terme de forme et de souplesse, offrant des avantages esthétiques, fonctionnels et psychologiques à la patiente [4], [5].

Lorsque le TC a commencé a supplanter la mastectomie, le bénéfice fonctionnel était tel que les patientes étaient satisfaites de la possibilité de conserver leur sein, quel que soit l’aspect de celui-ci. Avec le temps, les patientes ont de plus en plus souhaité conserver l’aspect « normal » du sein (Fig. 1). La demande des patientes et l’observation des séquelles majeures des opérations conservatrices élargies, comme les quadrantectomies, ont amené les chirurgiens sénologues à porter plus d’attention à la forme du sein conservé. Dans l’idéal, le TC devrait résulter en un sein d’aspect normal, sans aucune asymétrie ni déformation résiduelle. Ce résultat idéal n’est, cependant, pas obtenu chez toutes les patientes. On estime que 20 à 40 % des femmes opérées par TC gardent une déformation ou une asymétrie mammaire [6], [7], [8]. Certaines de ces patientes consultent alors un chirurgien plasticien et demandent une reconstruction afin d’améliorer l’aspect du sein, parfois même de nombreuses années après la fin du traitement initial [9]. Le nombre de plasticiens confrontés à ces demandes de correction pour SETC est croissant et certains chirurgiens sont parfois désemparés devant ces séquelles complexes en territoire irradié.

Nous avons décrit et publié en 1998, puis 2004, une classification des séquelles esthétiques après traitement conservateur (SETC), en se basant sur deux séries de 35 [10], puis de 85 [11] patientes que nous avions opérées pour une reconstruction partielle ou totale du sein, en raison d’un mauvais résultat esthétique après TC. Cette classification des séquelles esthétiques après TC a été proposée comme guide pour tenter d’aider les chirurgiens à classer les SETC en trois sous-groupes et à planifier la reconstruction du sein. À ce jour, nous avons opéré plus de 150 patientes pour SETC, initialement à l’institut Curie, puis à l’institut du Sein depuis 2005.

Cet article reprend la classification des SETC à la lumière de cette expérience et confirme son utilité dans la prise en charge de ces séquelles. Notre second objectif est d’analyser les diverses techniques possibles de reconstruction pour SETC. Le troisième objectif est de tenter de définir le rôle du chirurgien plasticien dans la prise en charge de ces patientes, soit dans le cadre d’une reconstruction différée, soit au moment initial du traitement, dans le cadre d’une chirurgie oncoplastique dès le temps d’exérèse de la tumeur.

Section snippets

Patientes et méthodes

Les protocoles de TC sont différents selon les équipes, mais peuvent schématiquement être classés en deux groupes. Le premier groupe est constitué des patientes atteintes de petites tumeurs (moins de 3 à 4 cm) traitées par chirurgie conservatrice du sein et radiothérapie postopératoire, avec ou sans traitement adjuvant (chimiothérapie et hormonothérapie) [1], [2], [3]. Le second groupe est celui des tumeurs plus volumineuses, traitées par traitement préopératoire (chimiothérapie,

Âge. Délai entre le TC et la reconstruction pour SETC

Les patientes étaient âgées de 27 à 68 ans (âge moyen : 44 ans). Le délai écoulé entre le TC initial et l’intervention pour SETC était extrêmement variable : le délai médian était de 87 mois (7,3 ans) avec des extrêmes de dix à 318 mois (26,5 ans !).

Classification UICC

Les patientes ont été classées selon la classification UICC de 1998 [13]. Cela n’a pas été possible pour sept patientes (Tx) qui avaient été initialement traitées en dehors de notre équipe et nous ont été adressées ultérieurement pour SETC, sans

Discussion

Le nombre de patientes présentant un cancer du sein a considérablement augmenté dans les pays occidentaux, passant en France, en 20 ans, de 30 000 à 42 000 nouveaux cas par an. On estime qu’actuellement, environ 60 à 70 % des patientes sont traitées par TC. Après tumorectomie et irradiation, 20 à 30 % des patientes présentent une séquelle notable [4], [5], [6], [7], [14], [15]. L’augmentation conjointe de l’incidence des cancers du sein et du taux de TC explique que le nombre de patientes

Conclusion

Le nombre de patientes qui consultent pour SETC est en augmentation : de plus en plus de chirurgiens plasticiens sont confrontés à cette demande. Notre classification des SETC en trois groupes est un outil simple, destiné à guider les praticiens dans la prise en charge de ces patientes. Elle est facile à mémoriser, d’application rapide et ne nécessite aucune mesure complexe. Elle constitue surtout un guide pratique qui permet de proposer un traitement en fonction de l’appartenance à l’un ou

Remerciements

Merci à l’équipe des assistantes médicales et des infirmières de l’institut du Sein et à Mme C. Metzinger, chef de projet informatique à l’institut du Sein.

Références (37)

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      2021, Ultrasonics
      Citation Excerpt :

      Several factors have been recognized to have negative cosmesis consequences: being overweight, having very small or very large breasts, having a tumor located in the lower quadrant of the breast, and having a large breast tumor [5]. Radiotherapy and chemotherapy increase the deleterious impact of surgery due to the occurrence of tissue injuries, such as shrinking, fibrosis or induration, leading to a breast deformity [5]. Hence, like patients undergoing mastectomy, conservative breast surgery may induce severe psychological sequelae [6,7].

    • New surgery

      2019, Presse Medicale
    • Oncoplastic surgery and cancer relapses: Cosmetic and oncological results in 489 patients

      2013, Breast
      Citation Excerpt :

      It cannot always guarantee good cosmetic results, however, limiting factors being the amount of tissue removed, the site of the cancer and the volume of the breast as a whole. Judging from the literature, 20–30% of patients have a poor cosmetic outcome after BCS, with deformities in the treated breast [11]. To cope with this problem, the concept of oncoplastic surgery has emerged as a new approach to enable wide excisions without disrupting the breast's natural shape.

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